Légende de la montagne Saint-Eynard
Ce fut alors un écroulement formidable. Tous les édifices contenus dans le sac glissèrent les uns sur les autres, roulèrent en bas pêle-mêle, bondissant çà et là, entre les rocs qu’ils rencontraient puis finirent sur les pentes, au hasard de leur chute. Un castel s’accrocha le premier sur l’escarpement des Corbeaux ; un donjon s’implanta plus bas, pour devenir la Tour des Chiens ; l’église de Corenc dégringola plus loin avec une dizaine de chaumières ; un château-fort se fixa sur la terrasse de Bouquéron ; La Tronche se peupla de quelques maçonneries qui dévalèrent en s’ébréchant…
Les diablotins se tordaient les côtes de rire. Satan égratigna alors Saint Eynard du bout de sa griffe pour le réveiller.
Effaré, il contempla son sac éventré et le désastre de la vallée.
Saint Eynard n’osait plus rentrer au Paradis. Mais la Vierge Marie, inquiète de son absence, partit avec un cortège d’anges à sa recherche. Quand elle arriva, le soleil se levait et teintait de rose les maisons éparses. Saint Eynard raconta son aventure en pleurant. Alors, la Vierge Marie regarda la vallée et s’exclama «Comme c’est joli ainsi !»
Et, pour que ce fût encore plus beau, de sa main, elle fit éclore dans les prairies, autour des maisons, des ancolies, des narcisses, des anémones et des sabots de la Vierge.
Cette légende est tirée de Sous le signe des Dauphins, écrit par Paul Berret, éditions Didier et Richard, à Grenoble.
Selon la légende, Saint Eynard, compagnon de St Bruno, fut le co-fondateur des Chartreuses par le monde. Il mourut à 126 ans.